Les fantômes de la rue Freta - Jérémie Dres

Le point de départ de ce roman graphique de Jérémie Dres (déjà auteur de Nous n'irons pas voir Auschwitz) est la découverte d'une carte postale du ghetto de Varsovie dans les affaires de la grand-mère de l'auteur, une lettre d'appel à l'aide écrite par sa sœur Sonia. 

Il décide alors d'enquêter sur le sort de cette grande-tante, la seule restée en Pologne pendant la guerre alors que le reste de sa famille, sa mère, son frère et ses sœurs étaient parties dès les années 1920, en France ou aux États-Unis. On le suit alors dans ses recherches, entre Paris, Varsovie et Tel Aviv, qui lui permettent de tirer les fils de son histoire familiale et reconstituer le destin de chacun de ses membres.

Par une belle création graphique, il insère dans son dessin du récit actuel des éléments du passé, en grisé, faisant revivre ce qui n'est plus : une synagogue détruite à Varsovie, des scènes de vie dans le ghetto, une grand-mère absente dont il se souvient du témoignage qu'il avait recueilli autrefois sur un dictaphone, et dont la réécoute lui donne de nouvelles pistes précieuses,

Se redessine alors le puzzle d'une famille juive européenne dispersée et dont le sort de ses membres dépend des persécutions antisémites et de la possibilité d'y échapper, en se cachant. Si les sœurs de Sonia ne peuvent lui venir en aide alors qu'elle est enfermée dans le ghetto de Varsovie, c'est parce qu'elles sont elles-mêmes dans une grande détresse, leurs maris ayant été pris dans la rafle du billet vert. 

Dans cette enquête pleine d'un suspense sans surprise, tant on devine que le sort de la grande-tante et de ses filles n'a pu être que tragique, on suit avec beaucoup d'attachement et d'émotion les étapes de la découverte des différents indices, dans les archives, les journaux, grâce aux personnes rencontrées par Jérémie qui l'aident dans sa démarche mémorielle, et dans les visites des lieux où ont vécu les membres de sa famille. 

À l'image de la tombe d'un aïeul restauré dans le cimetière juif de Varsovie et des Stolpersteine posées dans la rue où ses aïeules ont vécu, démarches entreprises dans un esprit de réparation (tikkoun olam), ce beau livre contribue à la réparation de la mémoire familiale de l'auteur, et par extension de celle de tous les Juifs exterminés. 

À paraître mercredi 27 août 2025 aux éditions Bayard Graphic.

Cet ouvrage a reçu le soutien de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah. 
 

Rencontre avec l'auteur

Mardi 16 septembre 2025 à 19h30.

Librairie Le Merle Moqueur 
51 rue de Bagnolet, Paris 20e