After the Evil -Tamara Erde
Le documentaire porte sur la vie de Gitta Sereny. D’origine autrichienne et hongroise, Gitta Sereny est une journaliste et chercheuse austro-britannique qui a sondé inlassablement la face sombre de la nature humaine, à la recherche des origines du mal. En particulier, elle a mené des entretiens majeurs avec les criminels de guerre nazis, Franz Stangl et Albert Speer, plusieurs années après le Procès de Nuremberg. Auparavant, elle avait travaillé à Sobibor à la fin de la guerre puis couvert le procès de Nuremberg où elle s'était penchée sur le cas de Stangle comme de Speer. Gitta Sereny est très peu connue en France alors que sa trajectoire et sa personnalité méritent largement d’être découvertes.
Le documentaire utilise des matériaux très riches, diversifiés, pour montrer tant la démarche de Gitta que ce qu’elle a vu : des documents d’archives publiques (du procès de Nuremberg qu’elle a couvert comme journaliste, à des extraits de presse ou papiers divers et photographies notamment des camps), des archives privées, en passant par un très long entretien réalisé avec elle avant son décès, comme la reconstitution - sous la forme de docufiction - de certains des entretiens qu’elle a pu avoir avec Franz Stangl, le commandant nazi du camp d’extermination de Treblinka, lors de son emprisonnement.
Ce document constitue ainsi une plongée aux racines du mal comme dans la manière dont on peut tenter de les analyser. Le sujet de la Shoah y est omniprésent. L'historien Christian Ingrao, explique que ce film examine de ce qui fait qu’une personne peut devenir un criminel nazi et présente l’extermination à travers cet angle.
Cette approche, en quelque sorte indirecte des ressorts de l'extermination, à travers la trajectoire d’une femme journaliste qui se penche sur la question, est susceptible d’amener le grand public à s’intéresser aux crimes que Gitta a tenté de comprendre. Cette femme pousse les criminels qu’elle rencontre jusqu’au bout pour interroger le thème de la culpabilité. Son travail fait écho, comme en miroir, à celui d’Hanna Arendt sur la banalité du mal, mais dans une forme finalement moins "intellectuelle" et plus accessible à tous.
C’est le portrait passionnant d’une penseuse trop méconnue avec une matière particulièrement dense, riche et variée : archives filmées, photographiques, audio, mais aussi mise en scène d’entretiens jouée par des comédiens. Le montage dont la structure repose beaucoup sur des entretiens enregistrés et l’enregistrement d’une voix off recomposée à partir des écrits de Gitta Sereny, virtuose, nous permet de saisir et de rendre accessibles toute la complexité et l’intelligence du travail de Gitta Sereny.
Via la fille de Gitta Sereny, la réalisatrice a eu accès aux archives personnelles de celle-ci, une matière exceptionnelle et indispensable au film, le premier jamais été réalisé sur elle. C’est aussi un film rare sur les grands criminels nazis que sont Stangl et Speer, et de manière plus générale sur la vaste question du mal.
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Tamara Erde est une jeune réalisatrice israélienne qui vit à Paris et a déjà été remarquée pour ses premiers films documentaires pour la télévision (France TV, Arte, BBC…). "After the Evil" est son premier long-métrage pour le cinéma.
Ce film, produit par Gloria Films, a reçu le soutien de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah.
La diffusion en salle est prévue en janvier 2024.